Terroirs d’Avenir : Un nouveau modèle de distribution durable
Albin-Dorian Juliard est directeur général de Terroirs d’Avenir, société fondée en 2008 par Alexandre Drouard et Samuel Nahon et accompagnée par FrenchFood Capital.
Ces sélectionneurs de produits d’exception ont été parmi les premiers à proposer des produits issus de l’agriculture paysanne et de la pêche durables aux restaurateurs, puis dans leurs commerces de proximité à Paris et à Montreuil.
QUEL A ÉTÉ L’IMPACT DE LA CRISE SUR VOTRE ACTIVITÉ ?
En moyenne, le consommateur français mange un repas sur sept à l’extérieur de chez lui. Au moment de la Covid-19 et des périodes de confinement, il a fallu renouer avec la cuisine et le commerce de proximité.
Cela a créé un fort engouement pour les produits de qualité, dont nous avonsbénéficié, mais cela a également favorisé l’émergence de nouveaux acteurs comme les magasins « direct producteur ». Le marché est maintenant atomisé, avec un tissu de commerces de proximité très dense dans lequel il est de plus en plus difficile d’émerger.
Bien que pionniers avec un positionnement différencié sur la sélection de produits issus de l’agriculture paysanne dont la qualité gustative n’a pas d’équivalent sur le marché, nous sommes davantage concurrencés. Mais nous sommes optimistes : pendant la crise de la Covid-19, nos boutiques ont enregistré une croissance de près de 40 %. Nous avons capté et conservé un public convaincu par la différence gustative de nos produits et par l’engagement de Terroirs d’Avenir en faveur de la préservation de l’agriculture paysanne. Ce public est moins touché par la crise aujourd’hui. Nous avons de grandes ambitions sur ce marché porteur, qui a encore besoin de se structurer.
COMMENT CETTE STRUCTURATION SE TRADUIT-ELLE ?
Le premier travail a consisté à bien redéfinir l’offre, désormais pensée pour que nos clients trouvent chez nous tout ce dont ils ont besoin pour cuisiner. Nous proposons ainsi des condiments et des épices, avec toujours la même exigence de qualité et de savoir-faire.
Nous avons ensuite optimisé notre chaîne logistique afin de proposer un prix adapté pour le client, pour le producteur et pour nous.
Nos prix sont plus élevés qu’ailleurs, mais ils sont justes pour chacun. On parle souvent de « juste rétribution du petit producteur » ; il est aussi important de penser à celle du « petit distributeur » que nous sommes !
Le troisième chantier repose sur la pédagogie.
Notre rôle consiste à expliquer que la qualité a un prix et à valoriser notre travail de recherche perpétuelle de nouveaux terroirs, là où les produits sont les meilleurs. Le pluriel de l’expression Terroirs d’Avenir n’est pas anodin : les terroirs évoluent sans cesse.
Nous sillonnons les régions de France et d’Europe pour dénicher des pépites. Nous avons tissé une relation de confiance avec les producteurs et les chefs.
En business to business (BtoB), nous travaillons sur des petites quantités, avec des chefs qui savent travailler « à l’ardoise », en adaptant leur cuisine en fonction des produits disponibles, des saisons. Ce travail doit être valorisé afin d’en justifier le prix. Nous devons continuer de nous distinguer, afin de gagner en visibilité et en performance.
QUEL EST LE MODÈLE PORTÉ PAR TERROIRS D’AVENIR ?
Depuis 2008, le projet Terroirs d’Avenir œuvre pour une transition alimentaire et agricole qui prend soin de celles et ceux qui nous nourrissent et s’adapte à ce que la terre nous offre. Chaque jour, nous défendons le goût du juste et le commerce vivant en distribuant aux chefs parisiens et dans nos boutiques, des produits dénichés avec soin, issus de savoir-faire respectueux de la Terre et du Vivant. Terroirs d’Avenir porte un nouveau modèle de commerce de bouche de proximité en centre-ville qui valorise les produits par l’artisanat et le conseil. Boulangers, bouchers, poissonniers, fromagers et primeurs sont là quotidiennement pour sublimer et mettre en lumière le travail des producteurs. Notre mission consiste à défendre un modèle agricole capable de répondre aux défis climatique et alimentaire de notre époque. Pour cela, nous travaillons avec des femmes et des hommes engagés pour un autre système de production agricole et de consommation alimentaire. Dans nos boutiques, nous nous adressons à une clientèle de quartier, soucieuse de son alimentation, qui valorise la qualité et cuisine tous les jours. C’est une troisième voie par rapport aux modèles de distribution généralistes et spécialistes.
EN QUOI CE MODÈLE EST-IL DIFFÉRENT ?
Nous allons au-delà de la démarche des épiceries bio et locales de quartier. Nous cherchons à avoir un impact fort par une démarche plus complète qui valorise la biodiversité, avec des semences anciennes et des races rustiques, des savoir-faire et des techniques moins intensives (coques pêchées à pied, pêche de ligne), portée par des producteurs engagés. Chez nous, la demande s’adapte à l’offre : le client accède à ce qui est disponible, en ayant l’assurance de trouver les meilleurs produits au meilleur goût. C’est ainsi que Terroirs d’Avenir a participé à l’essor des « menus du marché » dans les restaurants parisiens. La proximité ne suffit pas ; nous avons un véritable engagement en faveur de la restauration de la biodiversité via le développement de l’agriculture paysanne.
VOTRE MODÈLE EST-IL URBAIN ?
Notre métier, c’est le commerce de bouche de proximité, sur des petites surfaces, avec un accès direct au client. Nous proposons aux citadins des produits auxquels ils n’ont pas accès naturellement, en créant avec eux une relation de confiance très forte.
Dans nos boutiques, le client voit le boucher découper sa viande, le boulanger pétrir son pain… Notre clientèle est soucieuse de ce qu’elle mange et prête à payer le juste prix pour nos conseils. Nos boutiques contribuent à la transition alimentaire en créant du lien social, et en participant à la formation aux métiers de l’artisanat de bouche. Nous faisons se rencontrer des producteurs, des restaurateurs et des clients à travers des événements dans nos quartiers ou sur nos réseaux sociaux.
COMMENT PARTICIPEZ-VOUS À LA TRANSITION ALIMENTAIRE ?
C’est l’essence du projet Terroirs d’Avenir depuis sa création. Nous fournissons des chefs d’avant-garde, créatifs et engagés, qui cautionnent la qualité de nos produits.
Nous avons à cœur de faire notre part dans la transition alimentaire, pour recréer du lien entre producteurs et consommateurs, réexpliquer ce qu’est le vrai goût des produits et son lien aux terroirs. La transition alimentaire doit aller au-delà des débats techniques sur la quantité de pesticides.
Elle doit s’appuyer et se nourrir aussi de nouveaux récits faisant part à l’émotion, au désir, au goût. Celui du produit en tant que tel : la façon dont il a été pêché, élevé, cueilli, et les usages qui vont le sublimer.
Notre impact est là : redonner du sens à ce que l’on mange, en partageant nos valeurs et en éduquant sur le prix.
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